Le 7 octobre, j’ai invité à l’école Duperré Franck Sorbier, grand couturier et maître d’art figurant parmi les rares maisons de Haute couture labellisées, aux côtés de Christian Dior, Chanel, Schiaparelli, Jean-Paul Gaultier, Giambatista Valli, Stéphane Rolland et Alexis Mabille.
En perpétuant des savoir-faire liés au métiers d’art tout en inventant des procédés tels que la compression – technique déposée dont il est propriétaire, Franck Sorbier définit déjà cet art funambule de la haute couture au regard de celui de la sculpture, en rendant hommage à César. Il développe des collections qui donnent une large place à l’imaginaire, au merveilleux et à la féérie : qu’il s’agisse de créer le costume d’Académicien du peintre Zao Wou-Ki avec François Lesage en 2004, de réaliser des costumes de scène pour plusieurs opéras, d’écrire le scénario d’un film en 2009 « la Haute Couture n’est plus ce qu’elle était ! SO WHAT ! » il s’agit chaque fois de repousser les limites du possible.
En 2012, il imagine déjà une « peau d’âne des temps modernes » grâce à un système de mapping 3D mis au point avec Intel. Dans un autre registre, il conseille le Grand Chef étoilé Alain Passard et les équipes de son restaurant L’Arpège dans le style des tenues professionnels. Quel que soit les projets, il ne cesse de mettre son talent au service d’une conception de la mode intemporelle, absolue et éthique, avec notamment un engagement en faveur de la cause animale, élevant toujours en maître les valeurs de la beauté, de la grâce et de l’élégance.
Comme l’arbre éponyme, le sorbier des oiseleurs dit aussi sorbier des oiseaux, Monsieur Sorbier aime les couleurs chatoyantes.
Fervent esthète, il perçoit l’histoire de l’art comme un matériau inventif, à l’échelle de mouvements mais aussi de personnalités marquantes ; en 2013, il lance par exemple la collection « Livre d’Heures », véritable ode à la Renaissance ; ou encore « Poème » en 2015, hommage aux grands courants de la fin du 19ème siècle ; en 2021, il célèbre Tamara de Lempicka, Leonore Fini, Nicky de Saint Phalle… On le définit souvent comme un poète de la couture.
Depuis 1987 où il a lancé sa première collection expérimentale, il démontre chaque fois que le fait de perpétuer des savoir-faire traditionnels (tels que l’incrustation de dentelles, la lirette, ou encore la broderie…) est une source inépuisable de nouveautés pour la mode et la Haute couture en particulier.
Nommé Chevalier des Arts et des Lettres en 2004, maître d’art en 2010 et « Talent de l’originalité 2011 » lors du « Prix du Sommet du Luxe et de la création », il affirme que la Haute couture permet de « réfléchir différemment » et qu’elle implique une gymnastique d’esprit spécifique. Aussi, sa présence inspirante auprès des étudiants de « collection » et de « savoir-faire du luxe » lui a permis de partager avec eux quelques-uns de ces mouvements de pensée, tout en présentant ses récentes collections « nuages », « le Chant des guérisseuses », « Pérégrinations », « Ode à la vie » ou encore « Muse en scène ».
De son enfance au Pays basque, le créateur a retenu l’art de la récupération et du recyclage dont il avait été le témoin. Il ressurgit avec force dans ses créations de Haute couture. Ainsi a-t-il entrepris de raconter des histoires avec des robes. Rendant hommage aux rencontres qui ont été décisives pour la définition de sa signature théâtrale, il est ensuite revenu sur toutes les étapes de réalisation d’une collection, allant des premiers croquis esquissés dans ses cahiers jusqu’aux enjeux de communication liés à ses défilés, en passant par les phases de moodboard. Il a mis l’accent sur la dimension collective de sa création en rendant hommage au rôle majeur de son épouse et directrice de studio (Isabelle Sorbier).
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Muriel Berthou Crestey (14 décembre 2024). RENCONTRE AVEC FRANCK SORBIER A L’ECOLE DUPERRE. LE REGARD A FACETTES. Consulté le 15 juin 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/12xer